Echanges autour de la méthode du Socio-Spatial Network Game

Rencontre avec M. Schier : échanges autour de la méthode du Socio-Spatial Network Game

En juillet 2017, notre équipe MobileKids a eu la chance d’accueillir à nouveau Michaela Schier, docteur en géographie, de l’Université d’Innsbruck (Autriche). Nous avions déjà eu l’occasion de la rencontrer dans le cadre d’un workshop méthodologique en avril 2017 lors duquel elle nous avait présenté brièvement la méthode du Socio-Spatial Network Game (Schroeder et al, 2010). Cette méthode avait fortement fait écho pour notre recherche. La mobiliser avec des enfants qui pratiquent l’hébergement alterné égalitaire nous semblait plus que pertinent. C’est pourquoi, nous lui avons proposé de revenir à l’Université catholique de Louvain, pour approfondir avec elle cet outil méthodologique qu’elle a elle-même largement mobilisé dans le cadre de ses recherches sur les familles multi-locales et plus spécifiquement sur la manière dont les membres d’une famille de parents séparés maintiennent leur réseau familial à travers différents lieux de résidence (e.a Schier et al., 2015).

Durant deux jours, Michaela Schier nous a accompagnées dans nos réflexions quant au choix de cette méthode et à l’adaptation de celle-ci à chacune de nos thématiques de recherche. Elle nous a ainsi expliqué l’origine théorique de cette méthode, l’élaboration du jeu et ses points d’attention, la mise en œuvre concrète de celui-ci ainsi que la manière d’analyser les données recueillies sur base de la méthode d’interprétation documentaire (Bohnsack, 2008).

Comment cet outil s’utilise-t-il concrètement ?
Au moyen de blocs de construction, de pions de plusieurs tailles et couleurs différentes, de figurines diverses, nous demandons à l’enfant dans un premier temps de construire les lieux qu’il fréquente le plus et d’y placer les personnes qui sont importantes pour lui, en commençant par là où il se sent chez lui. Tout en jouant, l’enfant nous raconte ce qu’il construit ou déconstruit afin que le chercheur comprenne bien sa création. A partir de la construction réalisée, un entretien est ensuite mené.

Dans notre recherche, nous nous intéressons à la manière dont les enfants qui pratiquent l’hébergement alterné égalitaire, entretiennent leurs relations sociales et familiales à distance et vivent ce mode de vie « mobile ». Cet outil nous semble ainsi riche dans la mesure où il nous permet d’aborder de manière ludique certaines dimensions centrales de notre projet à savoir, les questions de l’espace, de la mobilité et des relations sociales. En effet, il nous permet par exemple de visualiser la distribution spatiale du réseau social de l’enfant et de ses diverses activités, d’aborder la manière dont il expérimente sa vie et quelles émotions il affecte à chaque espace, de rendre compte de la façon dont il transite d’un espace à l’autre et comment est-ce qu’il s’y attache, etc. (Schier, 2017).

Quels sont les avantages de cet outil méthodologique ?
A l’issue de cette rencontre fructueuse avec Michaela Schier, nous avons testé cet outil auprès de 3 enfants afin d’en ressortir préalablement les avantages que nous pourrions en tirer une fois concrètement sur le terrain.

Tout d’abord, dans le cadre de notre recherche, considérant les enfants comme suffisamment compétents pour parler d’eux-mêmes, nous leur donnons la parole afin qu’ils puissent nous faire part de leur expérience de vie multi-locale. C’est ainsi que mobiliser cette méthode ludique et créative qu’est le Socio-Spatial Network Game, nous donne l’opportunité d’adapter nos entretiens aux besoins et aux habilités cognitives, linguistiques, sociales et psychologiques des enfants (Gibson, 2012 : 150). Ce jeu permet également d’éveiller leur intérêt et de soutenir leur attention tout au long de la rencontre. De plus, en raison de la différence d’âge, des compétences langagières et de l’expérience, une certaine asymétrie peut exister entre le chercheur et l’enfant. Il n’est pas toujours évident pour ce dernier de savoir quel rôle occupe exactement le chercheur. Est-ce un ami qui s’intéresse à moi ou un adulte autoritaire dont je dois respecter scrupuleusement les consignes ? (Johnson et al., 2012 : 165). Le fait de passer par le jeu, permet d’ajouter un intermédiaire entre l’enfant et le chercheur et de diminuer ainsi la pression (Punch, 2002 : 336). Enfin, ce type de méthode interactive permet d’inclure l’enfant au sein même de la recherche (Mahon et al, 1996 : 149). En effet, ce type de jeu, en invitant l’enfant à construire, déconstruire, ajouter ou enlever des pions, etc., lui permet de participer activement à l’élaboration des données tout en gardant un contrôle sur le processus de recherche qu’il expérimente (Punch, 2002 : 331 ; Johnson et al., 2012 : 170).

Au vu des nombreux avantages et de la pertinence de cette méthode, nous avons hâte de la mettre en œuvre sur nos terrains de recherche respectifs.

Bibliographie :
– Bohnsack R., (2008) “The interpretation of pictures and the documentary method”, Forum qualitative social research, 9 (3), art. 26
– Gibson J. E., (2012), “Interviews and Focus Groups with Children: Methods that match children’s developing competencies”, Journal of Family Theory and Review, 4: 148-159
– Johnson G. A., Pfister A. E, Vindrola-Padros C., (2012), “Drawings, Photos and Performances : Using Visual Methods with Children”, Visual Anthropology Review, 28 (2) : 164-178
– Mahon A., Glendinning C., Clarke K., Craig G., (1996), “Researching Children: Methods and Ethics”, Children and Society, 10: 145-154
– Punch S., (2002), “Research with children. The same or different from research with adults?”, Childhood, 9 (3): 321-341
– Schier, M., Schlinzig, T., Montanari, G., (2015) “The logic of multi-local living arrangements: Methodological challenges and the potential of qualitative approaches”, Tijdschrift voor Economische en Sociale Geografie – Journal of Economic and Social Geography, 106 (4): 425-438
– Schier, M. (2017), “A multi-methodological approach to multi-locally living children in post-separation families”, paper presented at the seminar « Researching multi-local children: methodological and ethical issues », Louvain-la-Neuve, 3 to 5 April 2017
– Schröder, D., Picot S., Andresen S. (2010) “Die Qualitative Studie », in World vision, Frankfurt: Fischer: pp. 223–348.

Social Share:

Auteur:

Bérengère Nobels

I studied Sociology at the Université libre de Bruxelles, and in my Masters dissertation I studied school strategies and scholar practices within a gentrified locality of Brussels, mixing urban sociology and the sociology of education. One of my key research interest lies in the spatial embeddedness of social and family practices. This is why my research within the MobileKids project focuses on the ways in which children from separated parents build a sense of ‘home’ in a multi-local context.