Notre ouvrage « Deux maisons, un chez soi » ?

Comment les adolescents qui vivent en alternance chez leur père et leur mère séparés ou divorcés, construisent-ils et définissent-ils leur place au sein de chacun de leur foyer ? Comment expérimentent-ils ce mode de vie, marqué par l’alternance entre deux ‘maisons’ aux univers parfois fort différents, et entre lesquels les parents tracent parfois des frontières imperméables ? Comment s’organisent-ils au quotidien pour gérer leurs affaires, s’approprier un territoire personnel, et maintenir une forme de présence dans le foyer qu’ils quittent une semaine sur deux ? A quelles difficultés sont-ils confrontés, et quelles ressources mobilisent-ils pour y faire face ?  
  
C’est cette expérience vécue qui est au cœur de notre livre, co-rédigé par Bérengère Nobels et Laura Merla, au travers des témoignages de 21 adolescents âgés de 10 à 16 ans qui vivent en hébergement égalitaire – ou « garde alternée » -. Nous y invitons le lecteur à suivre les jeunes dans leur périple, qui démarre avec l’emballage de leurs affaires et le voyage entre les deux domiciles, se poursuit avec l’arrivée au domicile de destination, où se déploient des routines et rituels de ‘retour’ ; se prolonge le temps de la présence sur place, où les enfants définissent, négocient et s’approprient une place au sein de la famille et un sens particulier du chez-soi; et s’achève sur un nouveau départ qui pose la question du maintien d’une présence symbolique pendant l’absence. Ce faisant, le livre donne à voir de multiples manières de vivre et d’organiser l’hébergement égalitaire, et offre de nouveaux outils pour penser et accompagner ce mode de vie.  

Quelques constats saillants :  

  • Les jeunes conçoivent chaque habitation comme des îles en relation les unes avec les autres au sein d’un archipel. Ils développent ainsi un sentiment d’appartenance à différents lieux et à diverses configurations familiales. Certains apprécient de vivre dans deux lieux parfois fort différents, même si l’alternance peut être pesante. 
  • Les parents établissent des frontières plus ou moins étanches avec le domicile de leur ex-partenaire. Certains dessinent une ‘ile forteresse’ qui limite les contacts physiques et virtuels avec l’enfant pendant les jours d’absence, et n’autorisent ni le transfert d’effets personnels d’un domicile à l’autre, ni des passages inopinés du jeune. A l’autre extrême, des parents dessinent des ‘îles ouvertes’ entre lesquelles tout peut circuler librement (objets, communication, enfants). Entre ces deux positions, on retrouve des îles aux frontières plus ou moins souples, qui offrent aux jeunes une marge de négociation. Les enfants composent avec ces limites et les contournent parfois (par ex, en mettant des frontières là où il n’y en a pas). 
  • Tous les jeunes ne voyagent pas avec un gros sac d’une maison à l‘autre. Si certains emportent “toutes” leurs affaires en une seule fois, d’autres les rapatrient au compte-goutte, ou n’emmènent qu’un petit sac, voire “rien du tout”, afin de réduire la charge physique et mentale de la logistique. Les objets qui ‘restent’ et qui ‘bougent’ permettent aux jeunes de se créer des repères et une stabilité dans l’expérience de la mobilité.   
  • L’école et les lieux de sociabilité (activités extra-scolaires et sportives) offrent des zones-tampon aux jeunes, ce qui facilite la transition d’un domicile à l’autre : ils leur permettent de se déconnecter du lieu quittent et de se reconnecter avec le lieu et la famille où ils se rendent. 
  • Le sens du chez-soi n’est pas tant lié à l’aspect physique du lieu (comme le fait d’avoir une grande chambre personnelle) mais plutôt à l’ambiance familiale qui y règne et la possibilité de se faire son petit cocon (dans une chambre personnelle ou dans les espaces de vie partagés), en aménageant les pièces et/ou en se créant des bulles virtuelles d’intimité. 

Et les autres enfants dans tout ça ?  

  • Afin de comprendre le ressenti des jeunes, il importe de partir de leurs pratiques et expériences quotidiennes. En particulier, en s’intéressant aux objets qui les entourent, et qui permettent aux jeunes de se créer des identités, des habitudes, des routines et des repères. 
  • Récolter la parole des jeunes en-dehors des épisodes de crise familiale permet d’éclairer sur leurs vécus et offre des outils pour aider ceux qui traversent une période difficile. 
  • Les jeunes font preuve d’une capacité d’adaptation lorsqu’ils sont confrontés à des changements, en développant des pratiques particulières pour s’accommoder et s’approprier leur nouveau mode de vie.  

Le livre peut être commandé ici : 

https://www.editions-academia.be/livre-deux_maisons_un_chez_soi_experiences_de_vie_de_jeunes_en_hebergement_egalitaire_laura_merla_berengere_nobels-9782806132055-74703.html

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Auteur:

Laura Merla

Je suis professeure de sociologie et membre du CIRFASE à l’UCLouvain, en Belgique. Au cours des 10 dernières années, je me suis spécialisée dans l’étude des relations familiales dans un contexte de distance géographique, que ce soit dans le cadre de migrations ou dans le cadre de séparations/recompositions familiales.