Un rapport MobileKids recense le regard des adolescent-e-s sur les configurations familiales post-séparation

A l’occasion du trentième anniversaire de la Convention internationale des Droits de l’Enfant, MobileKids a analysé le regard que 1500 jeunes scolarisés en Fédération Wallonie-Bruxelles ayant participé à l’enquête LAdS portent sur leur configuration familiale, avec un intérêt particulier pour les familles divorcée/séparée. L’objectif est ici avant tout descriptif : il s’agit, à partir du propre regard des jeunes, de cartographier et décrire les configurations familiales post-divorce ou séparation, et de mettre en exergue certains points d’attention-clé qui nous éclairent sur l’évolution des familles contemporaines.

Le rapport est divisé en 5 parties. La première dresse les caractéristiques générales des jeunes en fonction de leur configuration familiale (âge, genre, filière d’études…). A retenir ici : parmi nos répondants, 1/3 vivent dans des familles séparées ou divorcées. Parmi ceux-ci :

  • 4 enfants sur 10 sont en hébergement exclusif chez la mère
  • 3 enfants sur 10 sont en hébergement alterné
  • 2 enfants sur 10 sont hébergés principalement chez la mère
  • 1 enfant sur 10 est en hébergement exclusif chez le père
  • + de 50 % des jeunes en hébergement exclusif ou principal vivent dans un foyer monoparental (c’est-à-dire où le parent gardien – souvent la mère – vit seul·e avec ses enfants).

La deuxième partie du rapport examine l’évolution des normes et pratiques familiales qui se reflètent dans le regard que les jeunes portent sur leur configuration familiale. On y découvre des statistiques sur l’avis des jeunes concernant leur mode d’hébergement, sur le maintien (ou non) de contacts inter-foyer via les réseaux sociaux notamment, sur le degré de contrôle que les parents exercent sur leur enfant (du point de vue des jeunes), et sur le degré de conflits entre les parents. Au travers des chiffres présentés, on peut voir que grandir dans une famille divorcée ou séparée ne relève plus de l’exception mais devient quelque chose de normal dans la vie des jeunes, qui ne sont pas fondamentalement différent·es des enfants qui grandissent dans une famille nucléaire – ainsi, la qualité de la relation avec la mère est quasi constante d’une configuration à l’autre, sauf en hébergement exclusif chez le père.

On voit aussi au travers des témoignages des jeunes que la place des pères dans la famille évolue, y compris après la séparation. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’existe plus de relations de pouvoir dans les familles, mais que l’idéal normatif est un modèle loin de celui du « pater familias », du père-maître de maison incarnant l’autorité alors que la mère reste dans une relation de « care », de soin avec des enfants qui n’ont pas le droit à la parole. Ce modèle, traditionnel, a évolué, notamment avec l’émancipation féminine. Aujourd’hui, on voit émerger une famille davantage relationnelle et démocratique : tant les parents qui vivent ensemble, que ceux qui mettent en place un hébergement alterné, dirigent la famille ensemble. Par exemple, nous avons observé que les parents sont soit tous les deux contrôlants, soit ils ne le sont pas, et ce, qu’il s’agisse d’une famille nucléaire (parents ensemble) ou d’un hébergement alterné : ils continuent à coopérer.

La place de l’enfant dans cette nouvelle hiérarchie est également différente. On lui reconnaît désormais le droit d’être en construction, d’être vulnérable et soumis à l’autorité parentale, mais aussi d’être un·e citoyen·ne à part entière qui a le droit d’être consulté·e par rapport aux décisions qui le·a concernent. Ainsi, plus de la moitié des jeunes déclarent avoir été consulté·es sur leur mode d’hébergement – et plus de 8 jeunes sur 10 se déclarent satisfait·es de celui-ci.

Enfin, un autre aspect saillant relatif aux évolutions familiales : le degré de conflit entre adultes. Nous avons créé un « score de dispute » avec une échelle relative aux réponses des enfants à une série de questions portant sur cette thématique et le constat est sans appel : on se dispute dans toutes les configurations familiales. Les parents séparés ne se distinguent pas par des scores de dispute significativement plus élevés que ceux habitant sous le même toit. On peut y voir un signe que les décisions ne sont plus prises unilatéralement, mais font l’objet de débats – et de tensions, parfois vives.

Nous avons ensuite voulu opérer un zoom sur l’hébergement alterné. Nous y passons en revue la situation d’emploi des parents, le confort matériel dont les jeunes jouissent dans chacun de leurs foyers – difficultés financières des parents, confort spatial, sens du chez soi… Vient ensuite la qualité des relations parents-enfants et les sujets de conversation avec chacun des parents. On peut relever notamment que les jeunes rapportent des niveaux de confort relativement élevés, et de même ampleur, chez chacun de leurs parents – niveau qui est plus élevé que dans les autres configurations post-divorce/séparation, tant chez le père que chez la mère. Parallèlement, les jeunes en hébergement alterné rapportent également un niveau élevé de sentiment d’être ‘chez-soi’ chez leur père et chez leur mère. Par rapport aux autres configurations post-séparation/divorce, le sentiment d’être chez-soi chez la mère est de même ampleur, mais il est plus élevé chez le père en hébergement alterné. On voit également que les jeunes ont une bonne qualité de relation avec leur mère et leur père, et discutent de tout avec leurs deux parents, même s’ils se confient un peu plus à leur mère qu’à leur père.

Dans la quatrième section, sur les ménages monoparentaux féminins que nous nous arrêtons.  Bien que l’on observe un équilibrage entre le choix d’un hébergement alterné par rapport à l’hébergement exclusif chez la mère, c’est cette dernière modalité qui reste néanmoins la plus présente. Les ménages monoparentaux ont été largement reconnus comme des ménages particulièrement fragiles, notamment en raison du risque de pauvreté auquel ils font face, dans un contexte marqué parfois par une difficulté à obtenir le paiement d’une rente alimentaire de la part de l’ex-partenaire. Dans le cadre de ce rapport, nous avons également voulu nous pencher sur leur situation, au travers du regard que les jeunes portent sur elle. Et ce regard vient confirmer cette réalité. En effet, les jeunes qui vivent dans un ménage monoparental féminin ont un ressenti qui renvoie l’image d’une configuration où les difficultés financières sont plus présentes – et peuvent être renforcées par l’importance du travail à temps-partiel féminin dans cette configuration -, et où les tensions entre ex-partenaires sont plus vives.

Enfin, 1 jeune de parents séparés ou divorcés sur 10 est en hébergement exclusif chez le père. Il nous a semblé intéressant de nous attarder sur cette configuration familiale peu courante, mais bien présente dans cette enquête. Il est très rare en effet que la mère n’ait plus du tout droit à l’hébergement. Lorsque c’est le cas, c’est souvent dans des situations difficiles. Cela concerne donc généralement un public plus fragile que les autres. Dans cette configuration-ci, les jeunes filles en particulier rapportent une relation à la mère plus fragilisée que les autres jeunes. Elles communiquent moins avec leur mère non-gardienne que les garçons pourtant dans la même situation. Ici, le père-gardien devient le premier référent relationnel pour les enfants, qui restent en contact avec lui lorsqu’ils rendent visite à leur mère : à l’encontre du cliché selon lequel les pères ne sont pas capables de s’occuper seuls des enfants… Au contraire, les pères en hébergement exclusif travaillent à 17% à temps partiel, soit autant que les mères dans la même situation. Un chiffre qui tombe à 9% dans les familles où les deux parents sont ensemble sous le même toit. Cela peut être le signe que ces parents aménagent leur temps de travail pour pouvoir s’occuper de leur enfant… sans que cela soit « mieux » chez la mère ou le père.

N’hésitez pas à consulter le rapport dans son intégralité, et à aller voir les échos et analyses complémentaires qui ont été relayés  dans les médias !

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Auteur:

Laura Merla

Je suis professeure de sociologie et membre du CIRFASE à l’UCLouvain, en Belgique. Au cours des 10 dernières années, je me suis spécialisée dans l’étude des relations familiales dans un contexte de distance géographique, que ce soit dans le cadre de migrations ou dans le cadre de séparations/recompositions familiales.