« Et après nos rencontres, que fait-on avec vos témoignages ?»

Vous devez sans doute vous demander ce que nous faisons avec tout ce que vous nous avez raconté lors de nos différentes rencontres. En vous donnant la parole, nous comprenons ainsi mieux votre mode de vie en alternance, entre deux maisons. Cela nous permet alors de participer par exemple au débat public qui a lieu autour de la question de l’hébergement alterné égalitaire, et d’essayer de faire en sorte que celui-ci soit mieux pris en considération par les pouvoirs publics ou par les professionnels de l’enfance comme les professeurs, les éducateurs, etc.

C’est à cette occasion que notre équipe a participé en novembre dernier à la Conférence Internationale sur l’hébergement alterné, dans les bâtiments du Conseil de l’Europe à Strasbourg, dont le thème central était : Parentalité partagée, Justice sociale et Droits des enfants.

Avec Maryse Baar, nous y avons présenté quelques premiers résultats issus de nos rencontres à propos de votre mode de vie « multilocal ». Nous en avons profité pour expliquer et montrer aux autres membres de l’assemblée, les différentes activités que nous faisons ensemble et nous avons discuté avec eux de la manière dont vous établissez potentiellement des liens ou au contraire des ruptures entre vos maisons. Nous avons présenté cela au travers de 5 points : par les affaires que vous emportez avec vous ou que vous laissez dans chaque maison ; par ce que vous racontez ou non; par les activités que vous allez faire chez l’un ou chez l’autre ; par la manière dont vous vous représentez vos deux maisons et par le fait de passer par un espace-temps neutre de transition.

Se basant sur la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, une des conclusions phares de cette conférence est de choisir le mode d’hébergement qui tienne compte prioritairement de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’enfant n’est désormais plus considéré comme un être vulnérable, dépendant mais comme étant acteur et comme ayant également des droits, comme celui de participer et de s’exprimer. Nous y avons découvert plus en détail le « modèle de Cochem » que Marie-France Carlier, Juge de la Famille et de la Jeunesse au Tribunal de la Famille et de la Jeunesse de Namur – division Dinant, a exposé. Il s’agit d’un modèle de consensus parental que la majeure partie des juges applique dans cet arrondissement judiciaire. Ce consensus parental consiste à faire en sorte que tous les intervenants (avocats, juges, experts, etc.), qui gravitent autour des familles, coopèrent de manière étroite pour amener les parents à trouver des solutions amiables qui répondent prioritairement à vos besoins. En trouvant une solution rapidement, cela permet de diminuer tant le stress de vos parents que le vôtre. Cette conférence avait pour but de faire des recommandations en matière d’hébergement alterné tant au niveau international qu’européen, gouvernemental et associatif.

Laura Merla et Jonathan Dedonder ont également eu l’occasion de contribuer au débat en présentant les résultats de l’enquête LadS en ciblant principalement ceux obtenus au sujet de la qualité des relations parent-enfant dans des familles séparées en Fédération Wallonie-Bruxelles. Si vous souhaitez en savoir plus sur cette recherche, je vous invite à suivre le lien ci-après :

https://uclouvain.be/fr/chercher/cirfase/leuven-louvain-adolescents-survey.html

Un autre objectif de notre recherche est de rendre compte de la manière dont vous, les enfants, vous vous appropriez cette situation et développez potentiellement de nouvelles pratiques et manières d’être liées à ce mode de vie. C’est à cette occasion que notre équipe a participé au XIXème Congrès Mondial de Sociologie à Toronto en juillet 2018.

Nous avons participé à de multiples sessions qui furent très enrichissantes pour nos recherches. Nous avons également chacune présenté un aspect de l’étude. Pour ma part, j’ai partagé certaines réflexions basées sur mes premiers résultats sur les différentes « stratégies » que vous, enfants, vous déployez pour vous dépatouiller au milieu de ces changements de maison récurrents et sur la manière dont vous êtes capables d’influencer et/ou de transformer une situation qui s’impose à vous.

À côté de ces présentations, ces conférences nous permettent également de partager et de confronter nos premiers résultats avec d’autres chercheurs ou d’autres professionnels (juges, psychologues, professeurs, etc.) du domaine. Cela nous offre l’occasion de nous inspirer d’autres recherches et d’être sensibilisé à d’autres sujets et d’autres points de vue que le nôtre. Toutes ces nouvelles rencontres nous permettent ainsi d’étendre notre réseau de connaissances. Ces conférences sont aussi l’occasion pour nous de passer du temps en équipe et de créer des liens, de découvrir des villes et d’autres spécificités culturelles.

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Auteur:

Bérengère Nobels

Je suis doctorante à l’Université catholique de Louvain au sein du CIRFASE. J’ai suivi mes études de Sociologie à l’Université Libre de Bruxelles où j’ai réalisé un mémoire sur les stratégies et les pratiques scolaires déployées au sein des écoles d’une commune gentrifiée de Bruxelles, en mêlant sociologie urbaine et sociologie de l’éducation. Je m’intéresse ainsi tout particulièrement à la manière dont les pratiques sociales et familiales s’inscrivent dans l’espace. C’est pourquoi, dans le cadre du projet MobileKids, je cherche à comprendre comment les enfants de parents séparés construisent leur ‘chez-soi’ dans un contexte de multi-localité.