Researching multi-local children: Methodological and ethical issues

En préparation du terrain … Le workshop « Researching multi-local children: Methodological and ethical issues »

Du 3 au 5 avril 2017, nous avons organisé un workshop à Louvain-la-Neuve avec l’équipe ERC MobileKids dans le but de préparer notre entrée sur le terrain avec les enfants de parents séparés qui pratiquent l’hébergement alterné en Belgique, en France et en Italie.
Enquêter auprès d’enfants est une pratique en sociologie qui, à l’heure d’aujourd’hui est encore peu élaborée, surtout du côté francophone. Dans la plupart des recherches en sciences sociales, surtout celles qui concernent les familles pratiquant l’hébergement alterné égalitaire, les auteurs s’intéressent principalement au point de vue des parents et des adultes en général. Nous reconnaissons, dans le projet MobileKids, l’enfant comme un acteur social. Notre objectif est ainsi de recueillir le vécu des enfants, leur savoir, leur vision du monde, le sens qu’ils donnent à leurs pratiques, en tant qu’acteurs d’une réalité sociale (Danic et al., 2006). Bien que pris dans des « rapports sociaux structuraux, des rapports de classes et de générations » (Sirota, 2006 :31), pour R. Sirota, ainsi que pour d’autres sociologues de l’enfance (Danic in Sirota, 2006 ; Roucous in Sirota, 2006) les enfants ont une prise sur leur vécu et sont aussi à même d’influencer le vécu des personnes autour d’eux. Notre but est également de développer des méthodes de récolte de données innovantes et adaptées aux enfants afin de pouvoir s’immiscer dans leur univers de sens et leur donner les moyens de « se raconter » à leur manière sans leur imposer un regard d’adulte (Danic et al., 2006 ; Wentzel Winter, 2015).
Dès lors, afin de développer un cadre méthodologique adapté à la recherche avec des enfants, nous avons invité une dizaine de chercheurs, des sociologues, des anthropologues, des géographes, experts dans l’étude de l’enfance et de la jeunesse. Ils nous ont présenté tour à tour les méthodes qu’ils ont déployées dans leurs propres recherches avec les enfants, par des exposés théoriques et/ou par une mise en pratique directement. Ils nous ont également présenté les limites et les apports de celles-ci.

Pour en connaître davantage sur les chercheurs et leurs thématiques de recherche, consultez l’onglet « activités » de notre site web.

Les outils présentés et adaptés ensuite à nos thématiques de recherche, nous ont permis de mettre en place notre « mallette méthodologique ». Amy Stornaiuolo de l’Université de Pennsylvania, nous a présenté la méthode du Digital Story telling (pour plus d’informations sur cette méthode, consultez le blog consacré à celle-ci dans l’onglet « terrain »). Cette méthode offre aux jeunes le moyen de représenter leur univers et les différentes facettes de leur identité en « se mettant en scène » dans des vidéos qu’ils réalisent. Pour notre étude, celles-ci permettront à la chercheure de comprendre comment les enfants, dans un contexte multi-local, « négocient leur quotidien » et se représentent dans différentes situations. Cette méthode sera particulièrement utilisée par Kristina dans son projet sur les pratiques numériques des enfants qui vivent en hébergement alterné. Amy Stornaiuolo nous a également fait part d’une plateforme qu’elle a créée sur internet afin que les jeunes puissent partager et commenter leurs vidéos et celles des autres jeunes qui participent à l’enquête. Cette méthode de « plateforme d’échanges », sera également utilisée par Kristina afin d’observer les pratiques et les échanges des jeunes sur celle-ci.
La méthode du Socio-spatial Network Game présentée par Michaela Schier de l’Université de Innsbruck nous a également beaucoup inspirées pour notre recherche et chacune d’entre nous l’utilisera lors de la première rencontre avec les enfants afin de comprendre leurs configurations familiales, leurs différents lieux de vie et les transitions entre ceux-ci (pour plus d’informations sur cette méthode, consultez le blog consacré à celle-ci dans l’onglet « terrain »).

Nicolas Oppenchaim de l’Université François Rabelais, nous a, quant à lui, montré l’importance du consentement éclairé chez les enfants. Il est important qu’ils comprennent bien ce qu’implique leur participation à la recherche. Nous avons suivi ses conseils en réalisant une vidéo qui présente la sociologie ainsi que les différentes étapes de la recherche. De plus, nous avons établi une charte avec les enfants reprenant leur rôle dans la recherche, les attentes que nous avons vis-à-vis d’eux, celles qu’ils ont vis-à-vis de nous (anonymat, confidentialité, etc.), … Le fait de la construire ensemble lors de la première rencontre et de permettre à cette occasion à l’enfant de poser toutes ses questions et d’émettre certaines « règles », permet d’avoir un réel consentement éclairé de sa part.

La méthode d’observation participante d’Ida Wentzel Winther de l’Université de Aarhus, nous a également inspirées. Elle nous a fait part de son expérience lorsqu’elle a accompagné les jeunes dans leurs différents espaces de vie avec sa caméra à la main. Cette méthode sera notamment employée par Bérengère qui accompagnera les enfants d’un domicile à l’autre sous la forme d’un parcours commenté et filmé lors duquel ceux-ci pourront expliquer les représentations qu’ils ont de ce trajet et des différents lieux qu’ils croisent sur leur chemin (leurs significations, ce qu’ils y font …) Bérengère s’intéresse, en effet, aux pratiques spatiales des enfants, à la manière dont ils s’approprient les espaces privés mais aussi publics. Bérengère planifie également de recourir à la méthode des dessins, notamment utilisée et présentée par Jean-Yves Authier de l’Université Lyon II lors du workshop. En demandant à l’enfant de construire son « chez-soi », les personnes qui s’y trouvent et ses relations avec celles-ci, cela permet au chercheur-e d’analyser le dessin en lui-même comme production et de l’utiliser également comme un incitant à la conversation, jouant le rôle d’intermédiaire et pouvant ainsi aider à débloquer la parole de l’enfant.

Susie Weller de l’Université de Southampton nous a exposé sa recherche longitudinale réalisée avec des enfants sur une période de dix ans. Étant donné que notre projet de recherche s’étale sur quatre ans, nous prévoyons de revoir les jeunes 2 ans plus tard afin de voir comment leur situation a évolué : le passage de l’enfance à l’adolescence, des primaires aux secondaires. Susie nous a, entre autres, donné des astuces pour garder le contact avec les jeunes, par des cartes pour leurs anniversaires ou pour les fêtes etc. Un volet de sa présentation s’est également centré sur les aspects éthiques de la recherche avec les enfants, qui nous a été d’une grande aide pour l’élaboration de nos formulaires d’informations et de consentement. Elle nous a également présenté la Circle map, comme méthode pour analyser les relations de l’individu avec ses différentes sphères sociales et la proximité émotionnelle et physique avec celles-ci (pour plus d’informations sur cette méthode, consultez le blog consacré à celle-ci dans l’onglet « terrain »). J’utiliserai cette méthode que j’adapterai à ma recherche sur le sentiment d’appartenance aux familles et aux pays d’origine des enfants de couples ethniquement mixtes séparés. Les enfants pourront disposer sur la map des personnes, lieux, activités, musiques, … qui les rapprochent ou l’éloignent de ses deux pays d’origine.
Shirley Martin de l’Université College Work nous a, quant à elle, parlé de l’importance d’impliquer les jeunes dans le processus de recherche, notamment dans l’élaboration des questions de recherche. Dans cette même optique, nous avons organisé une rencontre avec des « jeunes conseillers » comme nous les avons nommés. Ces jeunes, entre 18 et 25 ans, qui ont vécu l’hébergement alterné, ont pu nous faire part de leurs conseils pour aborder les enfants et nous ont également fait part de leurs questionnements sur cette thématique, de ce qu’elle évoquait pour eux.
Ce workshop fut donc très intéressant et utile pour notre projet. Il nous a permis de nous éclairer sur des méthodes innovantes pour la recherche avec les enfants et de nous en inspirer pour notre terrain.

Bibliographie :
– Danic I., Delalande J. & Rayou P. (2006) Enquêter auprès d’enfants et de jeunes. Objets, méthodes et terrains de recherche en sciences sociales. Rennes : PUR
– Sirota R. (2006) Eléments pour une sociologie de l’enfance. Rennes : PUR
– Winther I. W. (2015) To practice mobility – On a small scale. Culture Unbound, 7 : 215-231

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Auteur:

Maryse Baar

Je suis doctorante au sein du Cirfase à l’UCLouvain. Après un bachelier en sociologie et anthropologie à l’UCLouvain, je me suis dirigée vers un master en sociologie en finalité recherche et intervention sociale. La question de la construction identitaire des enfants dans un contexte multi-local et multiculturel est un point transversal à mes recherches. Après avoir réalisé mon mémoire sur la carrière d’exil des mineurs étrangers non accompagnés en Belgique, je m’intéresse maintenant à la construction identitaire des enfants de couples mixtes séparés.